Octobre 2024, n°841
La céramique, sur une nouvelle vague ?
Daniel Pontoreau, Pierre en suspens, 2020, terre cuite, feldspath,
115 x 85 x 35 cm, courtesy Galerie Berthet-Aittouarès.
2024, l’année céramique
2024, année de la 26e Biennale internationale de Vallauris, a été d’une actualité riche. « Hey ! Céramique.s » a pris possession de la Halle Saint-Pierre à Paris dans une explosion de céramiques internationales atypiques, flirtant souvent avec l’art brut ou singulier, avec les petits personnages verts du Finlandais Kim Simonsson (galerie Nec). Miquel Barceló a peuplé de ses quatre mille céramiques les plus viscérales la Casa La Pedrera et le Parc Güell de Gaudí à Barcelone. On peut admirer ses grottes marines en terre les plus folles à la Villa Paloma à Monaco, jusqu’au 13 octobre.
Daniel Pontoreau est, lui, un sculpteur céramiste à part. Après une sublime rétrospective à Keramis en Belgique en 2023, en un immense parcours au minimalisme poétique, il vient d’exposer en juin à la galerie Berthet-Aittouarès des œuvres d’une grande intensité.
Enfin, cerise sur le gâteau, Bruxelles a mis sur pied en janvier, sous le patronage de Johan Creten, la première Biennale de la Céramique d’Europe : Ceramic Brussels. Une Biennale pour une technique décriée, quel succès ! Y figuraient tous les artistes cités ci-dessus, ainsi qu’un échantillon des milliers de facettes de ce matériau, chez une soixantaine de galeries internationales. Certaines, comme celle de Pierre Passebon, opérant un pas de côté, délaissant semble-t-il le mobilier et le design historique pour la céramique ! On y a fait une belle découverte avec les étranges et grandes sculptures mariant souvent étoffe et céramique de Frédérique Fleury. À suivre absolument. Le fait de bénéficier désormais d’une foire attitrée a-t-il hissé pour autant le marché de la céramique au niveau des grands ? L’appétit des marchands en est en tout cas ressorti grandi. Les questions fusent. Le goût céramique ne restera-t-il qu’une nourriture pour collectionneurs avides devant une légère saturation du marché contemporain ? La conséquence, négative autant que positive, d’une réaction face à l’intelligence artificielle, au trop-plein de réseaux sociaux, aux crises monétaires et autres marchés virtuels ? Une niche encore synonyme de liberté, de radicalité antibourgeoise ? Une machine à décomplexer l’imaginaire ? Une banale volonté de changement, ou une simple envie de s’imaginer les mains dans la terre, cette terre que l’on dit si malade ? Rien n’est joué.
Elisabeth Védrenne